Introduction: Va comprendre comment fonctionne le cerveau humain? En continuant mon travail sur la démondialisation en Afrique, Thomas Sankara me guide vers un article que m’avait envoyé mon amie Marie-Louise Benoit, économiste et spécialiste de l’Amérique Latine

Appuyé depuis plusieurs années par des médiateurs ( l’espagnol José Luis Rodriguez Zapatero), le gouvernement bolivarien a instauré le dialogue avec une partie importante des leaders de l’opposition vénézuélienne. Il existe au Venezuela une opposition démocratique qui est de plus en plus nombreuse à rejeter le putschisme, la déstabilisation violente et la corruption de Juan Guaido, autoproclamé par les Etats-Unis. Son incapacité à faire autre chose que d’exiger “plus de sanctions pour chasser Maduro”, s’emparer d’actifs de l’Etat vénézuélien ou préparer en solitaire la privatisation générale du pays en faveur des amis de Donald Trump lui a fait perdre ses alliés au sein de l’Assemblée Nationale, dont la majorité des députés appartient à l’opposition.

A cause du chantage de l’aile putschiste sur le reste de la droite et des sabotages incessants de l’administration Trump/UE, ce dialogue a nécessité… près de 600 appels publics du président Maduro aux partis d’opposition. Il a finalement fonctionné. “C’est la 1° fois qu’une négociation entre le gouvernement et l’opposition génère des résultats positifs, le Venezuela dispose d’un Conseil National Electoral rénové, nous continuons à travailler avec dans l’agenda des garanties électorales ” déclare Francisco Matheus, secrétaire d’organisation de Cambiemos, un des partis d’opposition dont le député Timoteo Zambrano salue “un pas en avant vers une solution pacifique contre le radicalisme des violents”. Le leader du parti d’opposition Soluciones, Claudio Fermin, voit dans les prochaines élections parlementaires “le chemin pour sortir de la guérilla, de la déstabilisation et de l’abandon de nos intérêts en faveur de l’étranger”. 2 directeurs du Conseil National Electoral et 4 suppléants sont liés à d’autres partis d’opposition anti-chaviste, à savoir Accion Democratica, Copei (démocratie-chrétienne) et le MAS, y compris les groupes dérivés. 

Depuis longtemps les présidents, Lula, Dilma Roussef, Evo Morales ou Rafael Correa, ont rappelé que Nicolas Maduro est un leader démocratique, légitimement élu. Pour Lula, il y a longtemps que Guaidó devrait être en prison pour les violences meurtrières qu’il a co-organisées et ses tentatives de coup d’Etat. Le dialogue politique permet d’envisager la tenue des élections législatives, ainsi que celle des gouverneurs et maires, cette année et la suivante, selon la décision finale que prendra le Conseil National Electoral. Nicolas Maduro s’est exprimé à ce sujet :  » Je crois en la voie électorale et démocratique ! Nous sommes prêts à nous lancer dans un nouveau processus électoral populaire . Respect des institutions et coexistence entre tous les Vénézuéliens. Nous gagnerons pour la paix ! ». Le Venezuela continue à battre les records d’élections sur un continent où les régimes de droite empêchent la population d’accéder aux urnes, retardent le calendrier ou en emprisonnent les leaders progressistes.

La Covid sous contrôle

Des mesures précoces prises par Maduro comme le contact permanent avec la population à travers un questionnaire en ligne sur l’apparition des symptômes et le dépistage massif et gratuit, à domicile, du Covid-19, appuyées par la mobilisation conjointe du gouvernement, des forces armées bolivariennes et de l’organisation populaire, ont limité le nombre total de décès à 25, chiffre confirmé par l’OMS et qui contraste avec les hécatombes dans les régimes néo-libéraux latino-américains. Le Venezuela a organisé le rapatriement de dizaines de milliers de vénézuélien(ne)s fuyant l’abandon sanitaire, la xénophobie, la surexploitation en Colombie, au Brésil de Bolsanario, au Chili, en Equateur ou au Pérou, dont 80% étaient infectées . Elles sont accueillies dans des centres de soins installés aux frontières, appuyés par des médecins cubains, équipés avec l’appui de la Chine, de l’Iran et de la Russie, pour y être traités gratuitement et raccompagnés chez eux .

Penser le monde d’après

Pour le gouvernement bolivarien, cette sortie de la pandémie est l’occasion d’approfondir la réflexion sur le monde d’après. Nicolas Maduro a participé à une vidéo-rencontre internationale de 37 mouvements afrodescendants,. Il y a réaffirmé “notre solidarité avec le réveil du peuple états-unien qui se bat pour l’égalité, contre le racisme et la brutalité policière. Il fait revivre les idéaux de Martin Luther King et de Malcom X. Le poids historique de la lutte des peuples d’origine de la mère Afrique se fait sentir”. L’ex-sénatrice colombienne et militante des droits humains Piedad Córdoba a rappelé que le Venezuela a pris depuis plusieurs années des mesures importantes contre le racisme. L’ex-sénatrice brésilienne Dulce Maria Pereira a rappelé : « cette pandémie a montrée que 56 % de la population noire est en dehors du système éducatif ou qu’environ 22 millions de Brésiliens n’ont pas accès à une eau de qualité » .

Le président Maduro a organisé une autre vidéo-discussion avec les Présidents ( Miguel Díaz Canel, Daniel Ortega, Evo Morales) et les 1° ministres de l’ALBA-TCP ( Roosevelt Skerrit, Ralph Gonsalves, Gaston Browen ou Peter David ) pour préparer ensemble une économie post-pandémique, à travers une institution financière qui puisse résoudre la déstabilisation de la région à cause de la pandémie , la réactivation de la monnaie indépendante, le SUCRE – Système Unitaire de Compensation Régional (SUCRE) et la possibilité d’utiliser le Petro, la monnaie virtuelle vénézuélienne, pour les échanges dans la région.

Alicia Bárcena , secrétaire générale de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) a condamné les “sanctions”des Etats-Unis contre Cuba et contre le Venezuela. Elle a averti que la pandémie COVID-19 engendrera la pire récession de l’histoire de la région, avec une baisse du produit intérieur brut (PIB) estimée à -5,3 % en 2020, en Amérique du Sud. Pour elle, les gouvernements devraient établir un revenu de base d’urgence pendant 6 mois pour toute population vivant dans la pauvreté, pour couvrir leur subsistance. Elle recommande, pour éviter la destruction des capacités productives d’ édifier une politique de subventions aux petites et moyennes entreprises, et à moyen terme, de changer de modèle de développement, en promouvant une structure productive plus équitable et durable, ce qui implique l’universalité des services de santé, d’éducation et de nutrition. « Nous proposons la construction d’un État-providence et d’un système de protection sociale qui permettrait d’éviter une autre décennie , qui nous a ramenés à 25 ans en arrière en matière sociale. »

Ignacio Ramonet a insisté sur le fait que “les pays du sud doivent s’unir pour dire non aux sanctions occidentales”, exiger l’annulation de la dette extérieure, relancer le projet de souveraineté alimentaire et renforcer des alliances dans le domaine des services de santé.

1. S’attaquer à la pandémie mondiale : “Augmentation de la production du secteur public en faveur des masques, des équipements de protection, des respirateurs, des hôpitaux de campagne et des tests pour l’ensemble de la population doit être centrale – comme c’est déjà le cas au Vietnam et au Venezuela. Contrôle par les travailleurs des conditions de travail doit être établi afin que les travailleurs puissent assurer un environnement de travail hygiénique. En l’absence d’une action publique adéquate, les gouvernements doivent créer des plans de travail pour embaucher des personnes pour des projets qui briseront la chaîne de contagion et assureront que les gens soient nourris, habillés et maintenus en bonne santé.

2. La solidarité médicale : “Un front uni des pays en développement doit rejeter le FMI et les limites imposées par les créanciers sur les salaires de l’administration publique ; à cause de ces limites, les pays en développement ont perdu du personnel médical au profit des États de l’Atlantique Nord. Les États doivent utiliser leurs précieuses ressources pour développer l’enseignement médical public et former des travailleurs de la santé au sein des communautés pour fournir des services de santé publique. L’internationalisme médical de l’ALBA – avec les brigades cubaines – doit devenir un modèle pour le monde à travers l’OMS ; l’internationalisme médical chinois jouerait un rôle clé, alors que les États-Unis quittent l’OMS. L’ensemble du secteur de la santé publique devrait être nationalisé et des centres médicaux plus petits devraient être créés afin que la population puisse accéder aux installations . Les gouvernements devraient se retirer des régimes d’assurance publics pour les soins de santé privés , soit ne plus les subventionner. Le système de santé publique doit être renforcé, y compris la production d’équipements médicaux, la distribution de médicaments avec des prix réglementés).”

3. Propriété intellectuelle: “Les pays en développement doivent faire pression pour un réexamen d’accord qui confèrent des droits de propriété illimités à des biens qui devraient faire partie du patrimoine mondial. Cela s’applique au vaccin COVID-19, qui devrait être proposé sans considération pour la production , mais s’applique à tout médicament, dont beaucoup sont produits avec des fonds publics, et devrait s’appliquer aux technologies énergétiques qui nous feraient passer des combustibles fossiles aux combustibles renouvelables, ainsi qu’aux technologies de communication (comme la 5G). À court terme, les pays en développement doivent développer les mécanismes de transfert de science et de technologie entre eux.

4. Annulation de la dette : “Les pays en développement ont une dette extérieure de 11 milliards de dollars, le service de la dette de cette année étant estimé à 3 900 milliards de dollars. Avec la récession liée au Covid-19, de tels paiements sont impensables. L’allégement de la dette doit aller au-delà des 47 pays les moins avancés et inclure tous ceux en développement ; elle ne doit pas être un report, mais une annulation (des créanciers publics et privés).”

5. Solidarité alimentaire: La moitié de la population mondiale luute contre la faim. La souveraineté alimentaire et la solidarité alimentaire sont des antidotes. Le contrôle des entreprises sur l’agriculture doit être remis en question et la production alimentaire doit devenir une priorité des droits humains. Les fonds doivent être consacrés à son expansion ; ces fonds doivent être investis dans des infrastructures de production agricole (y compris des projets d’expansion tels qu’une banque de semences de l’ALBA). Les systèmes universels de distribution alimentaire doivent être renforcés afin d’assurer aux agriculteurs des revenus plus élevés et de garantir la distribution. À son tour, un espace rural renforcé décongestionnerait les villes et attirerait les gens à vivre une vie plus significative dans les zones rurales.

6. Élargir et renforcer les services public:s:“Le secteur privé n’est pas capable de répondre aux urgences (pandémie), et encore moins aux besoins humains. Les pays en développement doivent montrer la voie en édifiant un secteur public solide, pour la production de biens et de services essentiels (médicaments et nourriture), et pour la vie moderne ( logements sociaux, transports , WiFi et d’éducation). Permettre au secteur du profit de transformer ces parties de la vie humaine en marchandises a érodé notre capacité à construire une société civilisée.”

7. Taxer les fortunes: “Actuellement, environ 32 milliards de dollars traînent dans les paradis fiscaux offshore et des sommes inconnues ne sont pas comptabilisées pour les impôts. 2 choses sont nécessaires : 1°, récupérer les flux financiers illicites et, 2°, que les impôts sur les fortunes soient appliqués aux échelons supérieurs de la bourgeoisie et des riches propriétaires terriens, et aux financiers impliqués dans la spéculation financière. Ces fonds seraient suffisants pour réorienter les priorités vers l’élimination de la pauvreté, de la faim, de l’analphabétisme, etc.”

8. Contrôle des capitaux: “Sans contrôle des capitaux, un pays n’a pas de souveraineté économique . Les pays en développement doivent créer une plate-forme internationale qui les engage à imposer des contrôles sur les capitaux ; c’est une question politique qui ne peut être mise en œuvre par un seul pays. C ‘est une mesure prise par un gouvernement pour réguler les flux financiers à l’entrée et à la sortie du pays. Ces contrôles comprennent des taxes sur les transactions, des exigences minimales de détention et des limites sur la quantité de devises pouvant être transférées à travers les frontières. Le contrôle des capitaux et le contrôle démocratique sur la Banque centrale empêcheraient la fuite des capitaux et devraient donner aux gouvernements la souveraineté sur leur monnaie et leur économie.”

9. Le commerce régional sans le dollar: “La dé-dollarisation est un élément essentiel d’un nouveau programme. 60% des réserves mondiales sont en dollars et le commerce mondial se fait en dollars.Les sanctions unilatérales des États-Unis ont un impact catastrophique sur les pays non pas parce qu’ils dépendent du dollar mais parce que leurs partenaires commerciaux y sont plongés. Les systèmes de paiement alternatifs tels que le Sucre doivent être dépoussiérés et de nouvelles institutions financières mondiales doivent être créées pour faciliter les transferts électroniques. À court terme, une facilité régionale pourrait être créée sans le dollar, bien qu’il soit nécessaire de créer des institutions mondiales qui mettraient de côté l’immense avantage que le dollar en tant que monnaie mondiale donne aux États-Unis. Il est nécessaire de renforcer les blocs commerciaux régionaux qui accepteraient le troc comme mécanisme de paiement.”

10. Planification centralisée, vie décentralisée : “La pandémie nous a montré le pouvoir de la planification centrale et l’importance d’une action publique décentralisée. Des mécanismes participatifs de planification centrale doivent être mis en place à une échelle de plus en plus grande pour réorienter la production mondiale vers le besoin plutôt que vers le profit ; ces plans doivent être issus d’un maximum de contributions démocratiques et doivent être transparents pour le public. La planification centrale permettrait de nationaliser des secteurs tels que l’exploitation minière (y compris la production d’énergie), la production de plantations, la transformation alimentaire et le tourisme ; ceux-ci seraient placés sous le contrôle des travailleurs par le biais de coopératives. Il s’agirait d’un instrument visant à réduire les gaspillages. L’augmentation de l’auto-gouvernement local et de la production coopérative, ainsi que des associations populaires et des syndicats, rendra la vie sociale de plus en plus démocratique.”