Le Rassemblement démocratique africain (RDA)


est une ancienne fédération de partis politiques africains fondée à l’issue du Congrès de Bamako en 1946. Il fait partie des 3 partis fédéraux (avec le Parti du regroupement africain( PRA ) et le Parti des fédéralistes africains ( PFA) panafricains revendiquant la création d’une fédération des partis politiques d’Afrique au moment des indépendances.
Sa naissance
La métropole coloniale française tente d’assimiler plus fortement encore les élites des territoires d’Outre-Mer, alors les partis politiques africains se créent. Ils sont d’abord associés aux partis politiques français, comme la SFIO (prolongée au Sénégal) ou le Parti communiste dont les Groupes d’études communistes devaient créer des partis ou mouvements anticolonialistes. Des élus africains appellent à un rassemblement à Bamako en octobre 1946 mais le ministre socialiste de la France d’Outre-Mer, Marius Moutet, fait pression pour les en empêcher. Les délégués de l’AEF ne purent pas y participer. De plus, sur les conseils de leurs parrains français, les socialistes africains, Léopold Sédar Senghor, boycottent le congrès, « une erreur » qu’il regrette après coup . Le congrès peut finalement se tenir à Bamako, sous la présidence de Félix Houphouët-Boigny, (sorti de l’avion affrété par le ministre communiste de l’Air Charles Tillon). Il aboutit à la création du Rassemblement démocratique africain, fédérant des partis politiques locaux sur la base de l’anticolonialisme. Il rassemble l’Union démocratique sénégalaise, l’Union soudanaise, l’Alliance pour la démocratie et la fédération de Haute-Volta.
L’aspiration 1° du RDA est de réaliser la plus large union de forces politiques africaines, la circulaire du Comité de coordination du RDA, le 26 février 1947 en pose les préceptes : le RDA est « une réalité indépendante des conceptions philosophiques ou religieuses, des affinités ethniques, de la situation sociale » pour la lutte contre la domination coloniale des africains. Le 2° congrès, prévu dans l’actuel Burkina Faso, est interdit par son gouverneur. Il se tient à Abidjan en 1949 avec des centaines de délégués. Il y exprime sa solidarité avec les peuples du Vietnam et de Madagascar (répression sanglante de l’insurrection de 1947). Le congrès adopte des résolutions marquées à gauche concernant les ouvriers et les paysans, ce qui conforte les soupçons de « communisme » de l’administration coloniale.


La trahison d’Houphouet- Boigny


Le RDA cherche à peser sur l’avenir de l’Union française. Il rassemble des organisations et personnalités de tendances différentes : des « modérés » souhaitant réformer le système colonial afin d’obtenir plus de droits pour les colonisés, des « communistes » qui défendent l’indépendance et de profondes réformes économiques et sociales, et des « nationalistes » qui militent pour l’indépendance sans marxisme.
Il est proche à ses débuts du PCF, plus ouvert aux réformes que les autres partis, et de l’Union soviétique, qui critique la colonisation. Pour des raisons d’efficacité et tactiques, la totale indépendance du RDA aux partis politiques français, et son positionnement au-delà des clivages politiques ne peuvent être conservés (Félix-Houphouët Boigny entre en 1956 dans le gouvernement français). Le soutien du PCF donne à la fédération un poids important dans la politique française, et le groupe s’apparente en 1947 au groupe parlementaire du Parti communiste à l’Assemblée nationale.
Le RDA reste un cadre de coopération des élus socialistes et communistes africains, permettant une action unitaire pour les droits des africains. Ses membres élus sont représentants de leurs partis locaux, avec leur mode de fonctionnement propre. Ainsi, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) est une des sections du RDA. Félix Houphouët-Boigny, figure de compromis, est choisi comme président. Il n’est pas son chef unique. D’autres autorités morales le dépassent, comme Mamadou Konaté, fondateur du syndicat des instituteurs d’AOF en 1937, ou Gabriel Dadié, fondateur du syndicat agricole africain en Côte d’Ivoire en 1944. Un comité de coordination représente l’instance dirigeante du parti.
Houphouët-Boigny, richissime planteur africain est reçu secrètement à l’Élysée par Vincent Auriol le 27 juillet 1950 et affirme son souhait de « collaborer » avec le gouvernement. Promettant de se séparer des communistes et de marginaliser les éléments les plus fermement anticolonialistes au sein du RDA, il demande en échange de réduire la puissance des colons qui font fortune dans le café et le cacao, expliquant que ce « gros commerce » est le principal problème. Le président français comprend que son interlocuteur entend monnayer son influence politique contre la défense de ses intérêts économiques. Houphouët-Boigny rencontre aussi François Mitterrand, ministre de la France d’Outre-mer, chargé de sceller le rapprochement. Il accepte de remettre à ce dernier la promesse écrite que le RDA respectera le cadre de l’Union française, renonçant à revendiquer l’indépendance. En octobre, les parlementaires du RDA se retirent du groupe communiste ; en 1952, le RDA rejoint le groupe UDSR (parti centriste auquel étaient affiliés François Mitterrand), et appartient officiellement à la majorité gouvernementale..
Ce changement de ligne politique considéré comme un simple « repli tactique » est accueilli avec scepticisme puis comme une « trahison » par l’Union démocratique sénégalaise, l’Union des populations du Cameroun et l’AERDA, branche étudiante du RDA. Houphouët-Boigny est fragilisée par la lourde défaite du RDA aux élections législatives, truquées, de 1951. Mais il parvient à manœuvrer pour imposer sa ligne. Un rapport confidentiel des autorités françaises décrit son putsch: « Pendant la période de mi-1950 à la mi-1951, le RDA fit volte-face pour devenir un parti pro-administratif. Houphouët mena son jeu seul avec des roueries dignes de Machiavel, se gardant bien de convoquer le comité directeur ou le congrès de son parti. » Le comité de coordination n’est convoqué qu’en 1955, après le départ de ses opposants (Gabriel d’Arboussier, Djibo Bakary); l’UPC du Cameroun et l’UDS du Sénégal sont exclues.


Le RDA et les indépendances : l’éclatement


Cependant, les répressions contre le Rassemblement entraîne le renouveau de l’intérêt des intellectuels, avocats africains pour le parti fédéraliste. En Côte d’Ivoire, les autorités coloniales favorisent les dissensions internes à l’aide d’agents provocateurs et font incarcérer en masse les militants du parti, générant une montée des tensions. Durant toute l’année 1949, les grèves, les manifestations et les affrontements se multiplient, faisant au moins 50 morts et plus de 3 000 arrestations. Début 1950, la plupart des cadres sont arrêtés ; le sénateur Victor Biaka Boda, est décapité. Les autorités interdisent toute réunion du RDA avec l’idée d’ une interdiction du parti. Les années 1950 sont donc à l’origine d’un élargissement de son audience. En 1957 est créée l’Union générale des travailleurs de l’Afrique noire à l’initiative du RDA. Il remporte de nombreuses victoires électorales entre 1956 et 1957.
Dans les années 1960, les territoires d’outre-mer d’Afrique occidentale et équatoriale françaises deviennent des États indépendants. Les chefs d’État africains peinent à s’entendre sur l’application des préceptes de fédéralisme prôné par le RDA: la Fédération du Mali – regroupant le Sénégal et le Soudan Français, actuel Mali -, ne s’inscrit pas dans la durée et les divergences politiques des leaders sont des obstacles. Félix Houphouët-Boigny neutralise les dirigeants les plus nationalistes du RDA et les remplace par des « collabos ». La présence inégale des sections du RDA en Afrique est un inconvénient majeure. Le mouvement s’est pour l’essentiel focalisé sur les territoires des ex-colonies françaises, rendant difficile une union plus large des États africains, le cœur des territoires du RDA étant l’ancienne AOF, laissant l’Afrique équatoriale de côté.
Mais son travail n’est pas un échec. Au contraire, il incarne l’image d’un idéal africain d’indépendance. Aujourd’hui, le RDA incarne encore l’idéal-type du panafricanisme et de l’anticolonialisme.
Partis politiques constituant le RDA: Parti démocratique de Côte d’Ivoire; Parti démocratique voltaïque, puis en 1957 Union démocratique voltaïque, devenu le Rassemblement démocratique africain; Soudan français (Mali):Union soudanaise; Union des populations du Cameroun (jusqu’en 1951); Union démocratique sénégalaise (exclu en 1955); Parti démocratique de Guinée (exclu en 1958 après son rejet de la Communauté française); Parti progressiste nigérien; Parti progressiste tchadien; Parti progressiste congolais, remplacé en 1958 par l’Union démocratique de défense des intérêts africains; Comité mixte gabonais, puis en 1954 Bloc démocratique gabonais

L’indépendance du Ghana et ses conséquences
En 1957, le processus d’union africaine est fortement dynamisé par la proclamation de l’indépendance du Ghana (entre le Togo et la Cote d’Ivoire, au sud du Burkina) de Kwame Nkrumah . Dans son discours, il rappelle que « l’indépendance du Ghana n’a pas de sens si elle n’est pas liée à la libération totale de l’Afrique ». En 1958, la Conférence des États Indépendants d’Afrique réunit à Accra, sa capitale, les délégués des 8 puissances africaines déjà souveraines (Égypte, Libye, Maroc, Tunisie, Éthiopie, Ghana, Liberia et Soudan) ; ils y exigent la décolonisation de tout le continent et demandent la création des États-Unis d’Afrique. La Guinée devient indépendante et Nkrumah et Sékou Touré fondent l’Union Ghana-Guinée. Accra accueille la Conférence des Peuples Africains, dans l’idée de rassembler les peuples d’Afrique. Evoquant les mots de Marx et Engels, « Vous n’avez rien à perdre d’autres que vos chaines, vous avez un continent à regagner »,+ de 60 partis et mouvements politiques, syndicats et association participent à cette conférence. On y croise Patrice Lumumba du Mouvement national congolais ; Kenneth Kaunda du Zambian African National Congress ; Frantz Fanon du Front de libération nationale (FLN) ; Félix Moumié de l’Union des populations du Cameroun, etc. Ailleurs en Afrique, le climat politique de la fin des années 1950 est favorable à la concrétisation politique du panafricanisme. En 1958 à Cotonou, Léopold Sédar Senghor accueille en tant que dirigeant du Parti du regroupement africain, des délégués de l’Afrique française afin de conforter ses positions panafricaines et fédéralistes. Les mouvements nationalistes ( le Kenya, l’Ouganda, le Mozambique) se retrouvent à Mwanza au Tanganyika pour créer Mouvement panafricain pour l’Afrique orientale et centrale.
Mais les divergences sont bien là. On distingue des « radicaux » et des « modérés », les adeptes d’une rupture socialiste avec le monde occidental, les partisans d’un maintien de relations pacifiques avec les États capitalistes. Identifié comme le courant le plus radical du panafricanisme, le Ghana de Kwame Nkrumah convoque en 1962 un Congrès des africanistes réunissant des savants du monde entier, spécialistes de l’Afrique . La Conférence Internationale des États indépendants d’Afrique, organisée à Addis-Abeba en 1962, consacre la position des « modérés ». Marquée par les discours d’Haïlé Sélassié, Kwame Nkrumah et Patrice Lumumba, elle crée l’Organisation de l’unité africaine (OUA) qui comprend « les États africains continentaux, Madagascar et les îles voisines de l’Afrique ». Elle se donne pour objectif de « renforcer l’unité et la solidarité des États africains », de « défendre leur souveraineté », d’éliminer « sous toutes ses formes » le colonialisme et de « favoriser la coopération internationale ». Réunie à Accra en 1965, l’OUA adopte une « Déclaration sur la subversion » qui interdit l’intervention d’un État africain dans les affaires d’un autre. Cette déclaration provoquera des désaccords sur la question du dialogue avec le régime de l’apartheid sud-africain.

L‘Union africaine

L’acte constitutif de l’Union africaine, créée en 2002 à Durban, a été signé par tous les chefs d’État de tous les pays membres de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Ces dirigeants se donnent les objectifs suivants : l’unité et la solidarité des pays d’Afrique, la défense de l’intégrité et de la souveraineté de ces pays, l’accélération de l’intégration politique et socio-économique du continent et de la recherche scientifique et technologique, la promotion internationale des « positions africaines communes » et enfin l’harmonisation et la coordination des politiques économiques régionales.
La constitution de l’Union africaine comporte des principes: l’égalité entre les États membres, le respect des frontières, le règlement pacifique des conflits, la condamnation des changements anticonstitutionnels de gouvernement ou encore le droit des États membres à solliciter l’intervention de l’Union pour restaurer la paix et la sécurité. L’Union Africaine est dotée d’organes exécutifs: un Parlement panafricain et une Cour de Justice. Sa constitution est écrite dans les 4 langues majoritaires du continent : l’arabe, l’anglais, le français et le portugais.


Le NEPAD

Le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) a vu le jour en 2001, de la fusion du Plan Oméga et du Plan MAP. Il s’agit d’un projet économique sous tutelle de l’Union Africaine depuis 2007 et visant, selon son programme fondateur, à « éradiquer la pauvreté » et placer les pays africains « sur la voie d’une croissance et d’un développement durables ». L’Afrique du Sud, le Sénégal, l’Algérie, l’Égypte et le Nigeria, pays riches y jouent un rôle de 1° plan. Le NEPAD vise entre autres à mettre en place « une nouvelle relation de partenariat entre l’Afrique et la communauté internationale ». Le texte fondateur énumère les sa richesse minérale, pétrolière et gazière
·la taille des forêts tropicales et la présence minime d’émissions de gaz à effet de serres qui font de l’Afrique un véritable « poumon écologique »
·la variété de la faune et de la flore africaine
·sa richesse culturelle, paléontologique et archéologique
Le texte fondateur considère que « l’appauvrissement du continent africain » est le fruit de « l’héritage du colonialisme, de la guerre froide et des rouages du système économique international ». Il considère les perspectives soulevées par la mondialisation et « les progrès dans le domaine des technologies de l’information et de la communication » comme positives pour l’Afrique et énonce diverses propositions :
· consolider les mécanismes de résolution des conflits au niveau national
· promouvoir la démocratie
· restaurer la stabilité macro-économique grâce à la rénovation des politiques monétaires et budgétaires et à l’installation de « cadres institutionnels adéquats »
· élargir les services d’enseignement et de santé
· promouvoir le rôle des femmes dans le développement socio-économique et politique
· renforcer les forces de l’ordre africaines
· promouvoir le développement de l’agriculture, de l’industrie et des manufactures au service des marchés locaux et de l’exportation