3° volet sur la colonisation en Afrique de l’Ouest

La décolonisation n’a pas empêché les puissances impérialistes de continuer à dominer complètement l’économie de l’Afrique
Les statistiques de la bourgeoisie montrent qu’au cours des 20 dernières années, l’Afrique a régressé sur le plan de la production. Les économistes de la bourgeoisie les appellent : « les pays les moins avancés ». Ce sont des pays où les industries sont quasiment inexistantes, où l’agriculture est en recul, où le sol se dégrade, les forêts disparaissent, l’eau potable devient une denrée rare et où la malnutrition est permanente pour une grande partie de la population, sans parler du logement en bidonvilles, des communications rares…. L’ONU range 49 pays au monde qui sont les moins développés, 33 se trouvent en Afrique soient les 2/3 des pays africains ! L’Atlas réalisé par Le Monde diplomatique annonce :

L’Afrique continue donc d’être pillée, et sur le plan financier, et sur le plan matériel, comme au temps des colonies et du commerce triangulaire, ses richesses continuent à partir dans les métropoles impérialistes, alors que la population locale crève de misère. La « décolonisation », les « indépendances », n’ont rien changé à ce mécanisme économique puissant dont une petite couche de privilégiés autochtones, copiant la bourgeoisie occidentale, se partage des miettes. Seuls se sont modifiés au cours de ces 40 ans d’indépendance, les voies et les moyens du pillage.


Le pillage des richesses se poursuit au profit des ex-métropoles
Entre 1960 et 1990, le cours des matières 1° agricoles et minières a baissé de 25 % et les prix des biens manufacturés ont continué à croître. Pour échapper à cette baisse des ressources, les pays africains ont produit plus, en resserrant le noeud coulant de la dépendance à l’égard du marché international, les grosses sociétés commerciales, conservant le transport et la commercialisation des produits.
Dans les années 1960, le Nigeria devint le 6° exportateur mondial de pétrole. Cette découverte se solda par une tragédie. En 1967, un général Ibo (originaire du delta du Niger, au sud-est) décréta la sécession de sa région, le Biafra. L’impérialisme français joua sa carte car ce pétrole était accaparé par des trusts américains. Par leur soutien à la sécession, les capitalistes français ( Elf-Total) espéraient la dominer. 1000 T d’armes et de munitions, provenant de France, furent livrées en 2 mois aux armées sécessionnistes. La guerre du Biafra fit 3 M de morts pour les trusts pétroliers. Entre 1974 et 1990, le pétrole représentait 90 % des exportations du Nigeria, sans que la pauvreté diminue car seulement 5 % des dépenses de l’État allèrent à l’agriculture. De plus, la production de pétrole par Shell, dans la région du delta du Niger, occasionne une pollution considérable car ses dirigeants laissent les installations fuir sans les réparer si bien que les terres, imbibées de pétrole, deviennent impropres à la culture, sans parler de l’explosion d’un oléoduc qui a causé de nombreux morts.
Pour l’exploitation des richesses minières, les pays africains, dénués d’industrie propre, ont été dans l’obligation de faire appel aux trusts européens: Péchiney au Niger pour les mines d’uranium, en partenariat avec le CEA (Commissariat à l’énergie atomique en France) et en Centrafrique. Au Congo belge ( Zaïre), l’Union minière, nationalisée en 1966 et devint la Gécamines, dont la gestion, revint à une filiale de la Société Générale de Belgique. Toujours au Zaïre, le pétrole exploité depuis 1975 est sous le contrôle de Pétrofina et Shell, Elf-Total est au Congo-Brazzaville et au Gabon.


Nouvelle étape: le pillage par la dette


Au début des années 1970, le capitalisme mondial était entré dans une période d’économie à croissance faible dont il n’est pas sorti aujourd’hui. D’abord, l’augmentation brutale des prix du pétrole par les grands trusts a gonflé brusquement leurs disponibilités en liquide et celui des grandes banques. Plutôt que d’investir dans la production, ils ont prêté aux États, seules institutions capables de rembourser leurs dettes, sur le dos des peuples de leurs pays.
Avec l’argent prêté, Houphouët-Boigny, déjà clients de choix pour les armes, put transformer son village natal en capitale, avec un centre-ville tracé au cordeau, dominée par une cathédrale climatisée plus grande que Saint-Pierre de Rome !
Les placements pseudo industriels, les « éléphants blancs » ont abouti à des échecs patents: des constructions ruineuses et inutiles comme le barrage d’Inga, au Zaïre, ou une aciérie, alors qu’il ne possède pas de fer, et doit acheter de la fonte à l’Italie, au double du prix . Ils ont enrichi les trusts du bâtiment, et Alstom.
Les prêts ont rapporté à tout le monde, y compris aux dirigeants africains, sauf aux classes laborieuses. Les banques gagnèrent des sommes escroquées avec des taux usuraires. La paysannerie a, toujours et partout, été le parent pauvre. L’agriculture a été délaissée car l’Afrique est le continent le moins irrigué du monde. Les pays, autosuffisants en nourriture, sont obligés d’importer des produits alimentaires en quantité grandissante. Au Burkina Faso ou au Sénégal, on cultive des haricots verts ou des tomates sous serre pour l’ exportation à contre-saison ! En Tanzanie, dans le lac Victoria, les perches du Nil sont exportées vers les marchés européens, tandis que leur prolifération artificielle détruit les espèces qui nourrissaient les pêcheurs locaux. Au début des années 1980, les caisses de l’État de la plupart des États africains étaient ruinés mais pas leurs chefs. L’ancien dictateur du Zaïre, Mobutu, comptait parmi les 10 hommes les plus riches de la planète.


Tout pour les trusts


Les services publics furent dépecés. Des milliers de licenciements s’ensuivirent. Les fonctionnaires qui restaient se retrouvèrent sans paye durant des mois et émigrèrent en Europe ce qui explique que les médecins y soient africains. Le peu de protection social nationalisé fut détruit.
Une grande partie de la population en Afrique n’a pas accès à l’eau potable; la gestion de l’eau est privée. Elle appartient à Bouygues au Sénégal qui fit fermer la moitié des bornes fontaines, seul approvisionnement en eau de la population, pour cause de factures non payées, dans une ville populaire proche de Dakar, Pikine, en 1993. Aujourd’hui, les pauvres payent l’eau 10 fois + cher que dans les quartiers riches, car ils sont obligés de l’acheter à des marchands ambulants, au verre. Pour la lessive, les femmes vont de plus en plus loin pour en rapporter. Sylvie Brunel, géographe, spécialiste de l’Afrique, parle du marché de l’eau
« le magot ou le marigot ».
On n’a pas ajouté un seul centimètre supplémentaire à La ligne de chemin de fer Abidjan-Ouagadougou , privatisée au profit de Bolloré, qui s’est spécialisé dans les transports et le tabac. L’Afrique représente 1/3 du chiffre d’affaires de Bouygues. Avec France Telecom, ils ont arraché plusieurs télécommunications.
Dans le domaine de la santé, les trusts pharmaceutiques défendent leurs brevets et leurs profits contre la vie de millions de personnes qui n’ont pas accès aux médicaments contre le paludisme. Sur les 10 pays au plus fort taux de mortalité infantile dans le monde, 6 sont en Afrique de l’Ouest. Les guerres civiles y contribuent mais les décès résultent encore de la tuberculose, la pneumonie, la diarrhée, la rougeole, le paludisme. Au Nigeria, des trusts pharmaceutiques auraient organisé des tests médicaux sans règles éthiques. Le roman de John Le Carré,  » La Constance du jardinier », dont on peut voir la transposition au cinéma, est tiré de la réalité.
À la voie usuraire du pillage de l’Afrique se substitue de plus en plus, depuis une vingtaine d’années, une autre voie, celle du pillage du continent par l’intermédiaire des bandes armées. Ou plus exactement, cette voie vient s’ajouter au reste.


Les guerres, éléments du pillage impérialiste


Une bonne partie de l’Afrique noire s’installe dans une situation de guerres permanente. Ce fut le cas longtemps au Liberia ou en Sierra Leone, aujourd’hui en Somalie, au Congo-Zaïre et au Soudan.
Aux bandes officielles s’ajoutent les bandes armées qui proviennent de la décomposition des armées nationales. Quand le gouvernement ne peut ou ne veut plus payer l’armée, cela suscite des mutineries, des révoltes militaires, ou la coupure de l’armée en plusieurs tronçons en concurrence pour le pouvoir central ou cherchant à dominer une partie du territoire. Les trusts impérialistes, dans l’incapacité de faire assurer la continuité de l’exploitation des richesses minières par l’État, ont appris à jongler avec les chefs de guerre, à les financer et à les armer. Les chefs de guerre compradores pillent les richesses de leurs pays, surtout minières, pour les canaliser vers les receleurs impérialistes.
Les rivalités inter-impérialistes jouent un rôle majeur derrière ces affrontements locaux ou régionaux. Déjà au Biafra, puis des conflits se sont déroulés dans la zone des «Grands Lacs », impliquant le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, la Tanzanie et la partie orientale du Congo-Zaïre. On le voit encore dans la zone à la lisière du Soudan et du Tchad où s’affrontent les impérialismes français et britannique.
Les ambitions opposées des politiciens autochtones ou des chefs de guerre locaux expliquent le pourquoi des conflits. Mais ce sont les manoeuvres diplomatiques des puissances impérialistes, les aides en argent et en armes qu’elles apportent à leurs protégés respectifs, qui en expliquent l’ampleur, la durée et le caractère sanglant. Les chefs de guerre locaux, incapables de se trouver une base sur un vrai programme, la cherchent sur des bases ethniques et les guerres tribales d’antan se mènent avec les armes d’aujourd’hui. Si bien que la guerre civile au Rwanda, le massacre de la population Tutsie, (et d’opposants politiques), par les Hutus au pouvoir, avec le soutien de l’impérialisme français, de son armée, de ses hommes politiques, s’est transformée en guerre régionale. Les dégâts de ces guerres, durant les années 1990, sont de 120 M de personnes,1/4 de la population d’Afrique noire, plus les destructions qui rendent plus insupportable la vie déjà insupportable des classes populaires.


La vie dans les bidonvilles


Sur le terrain de l’impérialisme, il n’y a pas d’avenir pour l’Afrique. Au cours du demi-siècle qui vient de s’écouler, elle a complètement changé de visage. Les populations chassées des villages se retrouvent dans les immenses bidonvilles qui entourent les les quartiers résidentiels riches d’Abidjan, de Lagos, de Dakar ou de Kinshasa, leurs villas, leurs jardins, leurs piscines, et les quartiers d’affaires, les mêmes que partout dans le monde.
Dans les bidonvilles, la majorité de la population n’a aucune chance de trouver un travail permanent. On essaie de survivre avec des petits boulots, avec la débrouille individuelle. Il n’y a pas d’eau potable, pas de système sanitaire. Les grandes villes d’Afrique sont des chaudrons bouillonnants, mais la pauvreté, la misère matérielle et morale ne conduisent jamais de façon spontanée vers la prise de conscience.
Les bidonvilles sont la proie de sectes religieuses, de prophètes auto-proclamés, ou de fondamentalistes religieux, et de bandes de voyous ou de gangsters. La population travailleuse, déjà exploitée et opprimée, est rackettée par les policiers et les militaires. Et le climat permanent de crainte et d’insécurité, favorise la propagation de fantasmes ancestraux ou, au contraire, des maux des temps modernes.
Mais dit FRANCIS FUKUYAMA ( rapporté par Karim Sharara):
Les ambitions occidentales de contrôler le commerce mondial et d’acquérir une main-d’œuvre bon marché avec leurs partenaires coloniaux antérieurs ( la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne, le Portugal, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis), les valeurs libérales ont été présentées comme l’alpha et l’oméga de l’existence et du développement humains avancés. C’est la supériorité militaire des États-Unis qui a permis à ces puissances de subjuguer d’autres peuples et de s’imposer de facto comme leurs assujettis.