La défaite de l’Allemagne en 1918, permit le partage de ses colonies entre les puissances impérialistes du camp victorieux : l’Angleterre récupéra le Tanganyika et la Namibie, la France s’empara de la majeure partie du Cameroun et la Belgique occupa le Rwanda et le Burundi. Les économies des bourgeoisies européennes, ruinées par la guerre, se replièrent sur leur empire colonial. Mais accroître l’exploitation dans les colonies d’Afrique exigeait un minimum d’investissement. Les grandes compagnies refusaient d’investir, c’est l’État qui s’en chargea. Mais l’Afrique noire resta le parent pauvre. La France y investit 10 fois moins qu’au Maghreb. Malgré des lignes de chemin de fer construites, pour drainer les richesses des mines ou des plantations vers les ports, aucune liaison entre 2 colonies ne fut établie.
Entre 1921 et 1934, la réalisation du chemin de fer Congo-Océan, dans le Congo français, fut un véritable scandale humain. On commença par forcer des milliers de personnes à migrer pour venir travailler sur ce chantier. Aucun ravitaillement n’avait été prévu pour le voyage. Sur 8 000 hommes recrutés, 1 700 arrivèrent à destination. Une insurrection générale se déclencha alors que le chantier n’était pas encore commencé. Le journaliste Albert Londres ( fut traité de « métis, juif, menteur, saltimbanque » à cause de son livre Terre d’ébène) écrit :
« Ici, le Noir remplaçait la machine, le camion, la grue ; pourquoi pas l’explosif aussi ? Pour porter les barils de ciment de 103 kilos, les « Batignolles » (nom de la société à laquelle le chantier avait été attribué) n’avaient pour tout matériel qu’un bâton et la tête de 2 Noirs ! »
André Gide, dans son livre Voyage au Congo, montre des femmes portant leur enfant dans le dos et travaillant à main nue à la réfection des routes, dans la même région :
«Tous les 20 m, aux côtés de la route, un vaste trou, profond de 3 m le plus souvent (devait être bouché). Il était arrivé plus d’une fois que le sol sans consistance s’effondrât, ensevelissant les femmes et les enfants qui travaillaient au fond du trou.»


Toute la production des colonies visait à satisfaire les besoins impérialistes. On imposa aux colonies la monoculture. On obligea les paysans à produire du café, du cacao, de l’arachide, pour les marchés européens. En Côte-d’Ivoire, la culture du cacao s’accompagnait du recrutement forcé de travailleurs venant du nord (Burkina Faso) avec un contrat de 2 ans. Sous prétexte de donner aux travailleurs le sens de l’épargne, on ne les payait pas et on inscrivait les sommes dues sur des carnets. Au Sénégal, 1/2 des terres étaient consacrées à l’arachide. Une confrérie de marabouts, les Mourides, faisait travailler ses disciples dans un cadre quasi esclavagiste, et vendait cette production aux compagnies commerciales. La colonisation utilisait des formes archaïques de production et renforçait une organisation sociale rétrograde. Cela lui coûtait moins cher que de mécaniser les cultures. La France développa le coton, pour échapper à la mainmise britannique avec le coton indien et égyptien. Ces cultures furent imposées sous la forme de cultures obligatoires, appelées « cultures éducatives ».Les quantités de produits exportés augmentaient par extension des terres utilisées et non grâce à l’amélioration des rendements donc les cultures vivrières furent délaissées, ce qui provoqua des famines. Des pays qui étaient auto-subsistants devinrent dépendants des importations pour l’ alimentation d’autant que le colonialisme modifia les habitudes alimentaires: le riz d’ Indochine française remplaça le mil, nourriture de base au Sénégal. Les paysans étaient obligés d’acheter du riz avec l’argent gagné par la vente de l’arachide. La même compagnie commerciale gagnait donc 2 fois, en achetant l’arachide et en vendant le riz.

Les exploitations minières servaient exclusivement aux entreprises occidentales qui détenaient le monopole de l’extraction, mais en métropoles étaient installées les industries de transformation.
Après le caoutchouc, le Congo belge révéla d’autres trésors : zinc, cuivre, diamants industriels. Le Katanga, une des régions du monde les plus riches en minerais, devint le fief de la Société Générale de Belgique, à travers l’Union Minière du Haut-Katanga et la Forminière. En 1934, la Société Générale de Belgique contrôlait 60 % du capital investi au Congo.
Avec la crise mondiale, en 1929, dans les citadelles impérialistes, la production reculait, les capitaux ne trouvaient plus à se placer. Le commerce mondial se restreignait. Avec les empires coloniaux, le protectionnisme fut utilisé comme ultime tentative pour échapper à la crise du système.
Un industriel, Marcel Boussac avait commencé son ascension dans le textile grâce à la 1° Guerre mondiale. Puis il racheta toutes les usines des Vosges où il faisait fabriquer des tissus avec le coton venant du Tchad qu’il achetait pour rien et de vendre ses tissus à travers tout l’empire. Car le colonialisme avait détruit l’ensemble de l’artisanat textile, en Afrique comme ailleurs. À part quelques infrastructures pour exporter, toutes les industries de transformation étaient proscrites dans les colonies, pour ne pas concurrencer celles de la métropole. La colonisation engendrait une dépendance et une domination économiques totales.


Il n’est guère possible de relater l’histoire individuelle des 40 d’États issus de la décolonisation. Certains sont petits, comme la Guinée, le Bénin, le Togo ou la Gambie (long doigt enfoncé dans le Sénégal, dont le territoire se limite à une 20 km de part et d’autre du fleuve Gambie). D’autres sont immenses, comme le Congo-Zaïre ou le Soudan, aussi étendus que la moitié occidentale de l’Europe, ou le Nigeria avec ses 125 M d’habitants. Certains ( le Burkina Faso) sont dépourvus de richesses naturelles; d’autres en regorgent, le Congo-Zaïre qui contient de richesses minières de toutes sortes, y compris les plus rares existant sur la planète. Ce sont des créations artificielles du temps des colonies, sauf l’Éthiopie qui a une tradition étatique ancestrale. Certains comptent 1 ou 2 ethnies, d’autres + de 10, voire pour le Cameroun + de 200, parlant des langues différentes. Leurs évolutions politiques respectives après les indépendances ont été fort diverses.


Pour les métropoles les plus faibles, la décolonisation a mis fin au monopole qu’elles exerçaient, le Portugal et la Belgique, qui n’était pas de taille à dominer les appareils d’État du Congo-Zaïre, du Rwanda et du Burundi.
Les méthodes de l’impérialisme français pour garder sa zone d’influence
La France, obligée de décoloniser, garde ses ex-colonies dans sa zone d’influence. Elles sont un champ d’investissement garantis, voire en partie financés par l’État pour les grands groupes capitalistes, via la prétendue « aide au développement ».
Elles constituaient une source privilégiée d’approvisionnement en matières 1° : le pétrole du Gabon pour Elf, l’arachide du Sénégal pour Lesieur, le fer de Mauritanie pour Usinor, la bauxite de Guinée pour Péchiney. Elles restaient aussi des débouchés pour les marchandises françaises, protégés des concurrents d’autres pays par les circuits, par les habitudes et les liens, sans parler de la langue.
Mais la France est une puissance impérialiste de 2° zone; elle n’a pu conserver sa mainmise sur cette économie qu’en s’accrochant à un système de domination semi-colonial qui repose, sur le plan politique, sur le contrôle étroit des appareils d’État autochtones, sous la protection des troupes françaises dans les endroits stratégiques. Ce
protectorat politique implique le soutien garanti aux dirigeants de ces pays, fussent-ils d’infâmes dictateurs, en contrepartie de la protection des intérêts français face à la concurrence américaine, japonaise, allemande.
Sur le plan économique, le maintien d’une zone CFA, dont les billets sont émis sous le contrôle de la Banque de France, monnaie unique dans les ex-colonies, convertible à taux fixe en euros, assure aux capitalistes français la libre circulation de leurs capitaux et de leurs profits entre la France et ses ex-colonies. Elle constitue un obstacle pour les capitaux venus du Japon ou des États-Unis. Financière Africaine ».
La « politique africaine » de la France, poursuivie dans les années 60, 70, 80 et, souvent encore aujourd’hui, a servi à arroser la caste politique française et à créer des liens d’interdépendance entre les dirigeants des grands trusts et les dictateurs. Des hommes de main, des agents secrets, des mercenaires côtoient des hommes politiques, des PDG, des financiers, dans un milieu crapuleux, la « Françafrique ».
Les entreprises comme Elf, intégrée à Total, possèdent des pans entiers de l’économie du Gabon ou du Congo-Brazzaville dont on ignore les quantités exactes de pétrole extraites par la compagnie.
Et si le pouvoir gaulliste a initié le phénomène, la « gauche » l’a pérennisé. Après Foccart, l’éminence grise gaulliste, un des fils de Mitterrand, Jean-Christophe, a été l’homme de l’ombre de la gauche chargé des sales besognes.