Les soldats africains dans la boucherie impérialiste
En 1914, la lutte entre les grandes puissances pour un nouveau partage du monde, donc des colonies africaines, aboutit à la 1° Guerre mondiale. 134 000 soldats venant d’Afrique participèrent à la boucherie de la guerre dans l’ armée française. Le recrutement forcé occasionna des révoltes, en 1915 au Mali et en Haute-Volta (nord de la Côte-d’Ivoire).
Pour la 1° fois ces soldats partaient se battre en Europe où ils découvrirent un autre monde. Les soldats africains étaient enrégimentés séparément, mais ils connaissaient les mêmes souffrances, la même mort que les autres poilus. Dans l’enfer des tranchées, ils partageaient ce qu’on leur avait dénié jusque-là : une humanité commune. Dans la bataille de Verdun, les régiments coloniaux de l’armée française furent particulièrement meurtris. Ils étaient aussi présents sur les pentes du Chemin des Dames en avril 1917. Ils furent parcourus alors par les mêmes sentiments de rage contre les offensives inutiles et meurtrières qui conduisirent certains régiments aux mutineries de mai 1917. Si bien que nombre de soldats revinrent avec des idées nouvelles. À ceux qui, après guerre, réclamèrent l’égalité des droits, le pouvoir colonial répondit par le mépris, mais bien des idées commencèrent à cheminer qui mèneront à l’indépendance politique plus tard.
En Afrique aussi, » la guerre fut un formidable accélérateur de l’histoire », selon la formule de Lénine.
L’installation de l’impérialisme 1921-1934
La défaite de l’Allemagne en 1918, permit le partage de ses colonies entre les puissances impérialistes du camp victorieux : l’Angleterre récupéra le Tanganyika et la Namibie, la France s’empara de la majeure partie du Cameroun et la Belgique occupa le Rwanda et le Burundi. Les économies des bourgeoisies européennes, ruinées par la guerre, se replièrent sur leur empire colonial. Mais accroître l’exploitation dans les colonies d’Afrique exigeait un minimum d’investissement. Les grandes compagnies refusaient d’investir, c’est l’État qui s’en chargea. Mais l’Afrique noire resta le parent pauvre. La France y investit 10 fois moins qu’au Maghreb. Malgré des lignes de chemin de fer construites, pour drainer les richesses des mines ou des plantations vers les ports, aucune liaison entre 2 colonies ne fut établie.
Entre 1921 et 1934, la réalisation du chemin de fer Congo-Océan, dans le Congo français, fut un véritable scandale humain. On commença par forcer des milliers de personnes à migrer pour venir travailler sur ce chantier. Aucun ravitaillement n’avait été prévu pour le voyage. Sur 8 000 hommes recrutés, 1 700 arrivèrent à destination. Une insurrection générale se déclencha alors que le chantier n’était pas encore commencé. Le journaliste Albert Londres ( fut traité de « métis, juif, menteur, saltimbanque » à cause de son livre Terre d’ébène) écrit :
« Ici, le Noir remplaçait la machine, le camion, la grue ; pourquoi pas l’explosif aussi ? Pour porter les barils de ciment de 103 kilos, les « Batignolles » (nom de la société à laquelle le chantier avait été attribué) n’avaient pour tout matériel qu’un bâton et la tête de 2 Noirs ! »
André Gide, dans son livre Voyage au Congo, montre des femmes portant leur enfant dans le dos et travaillant à main nue à la réfection des routes, dans la même région :
«Tous les 20 m, aux côtés de la route, un vaste trou, profond de 3 m le plus souvent (devait être bouché). Il était arrivé plus d’une fois que le sol sans consistance s’effondrât, ensevelissant les femmes et les enfants qui travaillaient au fond du trou.»
Une économie tournée vers les exportations
Toute la production des colonies visait à satisfaire les besoins impérialistes. On imposa aux colonies la monoculture. On obligea les paysans à produire du café, du cacao, de l’arachide, pour les marchés européens. En Côte-d’Ivoire, la culture du cacao s’accompagnait du recrutement forcé de travailleurs venant du nord (Burkina Faso) avec un contrat de 2 ans. Sous prétexte de donner aux travailleurs le sens de l’épargne, on ne les payait pas et on inscrivait les sommes dues sur des carnets. Au Sénégal, 1/2 des terres étaient consacrées à l’arachide. Une confrérie de marabouts, les Mourides, faisait travailler ses disciples dans un cadre quasi esclavagiste, et vendait cette production aux compagnies commerciales. La colonisation utilisait des formes archaïques de production et renforçait une organisation sociale rétrograde. Cela lui coûtait moins cher que de mécaniser les cultures. La France développa le coton, pour échapper à la mainmise britannique avec le coton indien et égyptien. Ces cultures furent imposées sous la forme de cultures obligatoires, appelées « cultures éducatives ».Les quantités de produits exportés augmentaient par extension des terres utilisées et non grâce à l’amélioration des rendements donc les cultures vivrières furent délaissées, ce qui provoqua des famines. Des pays qui étaient auto-subsistants devinrent dépendants des importations pour l’ alimentation d’autant que le colonialisme modifia les habitudes alimentaires: le riz d’ Indochine française remplaça le mil, nourriture de base au Sénégal. Les paysans étaient obligés d’acheter du riz avec l’argent gagné par la vente de l’arachide. La même compagnie commerciale gagnait donc 2 fois, en achetant l’arachide et en vendant le riz.
Les exploitations minières servaient exclusivement aux entreprises occidentales qui détenaient le monopole de l’extraction, mais en métropoles étaient installées les industries de transformation.
Après le caoutchouc, le Congo belge révéla d’autres trésors : zinc, cuivre, diamants industriels. Le Katanga, une des régions du monde les plus riches en minerais, devint le fief de la Société Générale de Belgique, à travers l’Union Minière du Haut-Katanga et la Forminière. En 1934, la Société Générale de Belgique contrôlait 60 % du capital investi au Congo.
Avec la crise mondiale, en 1929, dans les citadelles impérialistes, la production reculait, les capitaux ne trouvaient plus à se placer. Le commerce mondial se restreignait. Avec les empires coloniaux, le protectionnisme fut utilisé comme ultime tentative pour échapper à la crise du système.
Un industriel, Marcel Boussac avait commencé son ascension dans le textile grâce à la 1° Guerre mondiale. Puis il racheta toutes les usines des Vosges où il faisait fabriquer des tissus avec le coton venant du Tchad qu’il achetait pour rien et de vendre ses tissus à travers tout l’empire. Car le colonialisme avait détruit l’ensemble de l’artisanat textile, en Afrique comme ailleurs. À part quelques infrastructures pour exporter, toutes les industries de transformation étaient proscrites dans les colonies, pour ne pas concurrencer celles de la métropole. La colonisation engendrait une dépendance et une domination économiques totales.
La volonté de justifier la colonisation…mais les 1° luttes ouvrières
L’Exposition coloniale de 1931 à Paris fut la glorification du colonialisme à son zénith. (La CGT-U avait organisé une contre-exposition qui dénonçait les méfaits commis en Asie ou en Afrique et prônait l’émancipation des peuples opprimés.) Dans sa présentation, le maréchal Lyautey affirmait : « Coloniser, ce n’est pas uniquement construire des quais, des usines ou des voies ferrées ; c’est aussi gagner à la douceur humaine, les coeurs farouches de la savane et du désert. » Des Africains, des Algériens, des Indochinois durent se donner en spectacle. Pour les organisateurs, il fallait absolument montrer un folklore exotique et affirmer la supériorité de la civilisation européenne.
Cette histoire d’humiliation, de mépris et d’exploitation a été ponctuée par des résistances et des luttes contre l’oppression. Bien que le prolétariat africain fût peu nombreux, les luttes ouvrières prirent leur essor au début du XXe siècle. En 1919, des émeutes, grèves et pillages éclatèrent en Sierra Leone. En 1920, une1° grève des ouvriers du chemin de fer Dakar-Saint-Louis fut organisée. Dans les années 1920, les mines du Congo, du Nigeria et du Ghana furent le théâtre de grèves. Mombasa, au Kenya, vécut une grève des dockers en 1934 et une grève générale en 1939. Comme ailleurs, le patronat utilisa la violence et les armes. Mais en plus, il refusait aux travailleurs africains les droits qu’il avait dû céder aux travailleurs européens. En 1937, le gouvernement de Front Populaire autorisa la formation de syndicats en Afrique colonisée. Mais seuls ceux qui savaient lire et écrire étaient autorisés à se syndiquer. Or, en 1950, d’après l’UNESCO, le taux de scolarisation dans le primaire étaient de 10 % dans les colonies françaises.
L’invasion de l’Éthiopie, le dernier grand État indépendant d’Afrique, par l’armée italienne de Mussolini en 1935, fut un des1° actes d’une guerre qui allait devenir mondiale. Il put agir avec l’assurance donnée par Laval que la France n’interviendrait pas. Pendant la 2° Guerre mondiale, l’Afrique fut de nouveau saignée: on recruta de forces les hommes, on réquisitionna les vivres au détriment des populations appauvries, les productions minières devinrent un enjeu considérable . L’uranium du Congo belge servit à la fabrication de la 1° bombe atomique.
L’après guerre : des révoltes anticoloniales
La 2° Guerre mondiale amorça la fin du système colonial. Comme la précédente, elle contribua à ébranler la suprématie impérialiste européenne, celle de la France vaincue en 1940. À travers la planète, la certitude que les puissances coloniales n’étaient pas invincibles, se transformèrent en une immense révolte. Entre 1945 et 1947, en Inde, en Indonésie, les masses se soulevaient. En Chine, en 1949, la révolte des paysans permit à Mao de renverser le pouvoir corrompu. En Indochine (Vietnam) la guerre anticoloniale commencée en 1945 dura jusqu’en 1954. Les révoltes en Asie favorisaient les luttes dans toutes les colonies.
Les soldats et les anciens combattants initièrent bien des révoltes. On avait appelé « libérateurs », « sauveurs », lorsqu’ils avaient débarqué en Europe, mais retrouvaient le statut de colonisés. Mais en 1944, à Thiaroye au Sénégal, les anciens combattants de l’armée française se révoltèrent. La répression fut sanglante.
Le roman de Sembene Ousmane, « Les bouts de bois de Dieu » a fait connaître la grève des cheminots sur la ligne Dakar-Bamako entre 1946 et 1947.
À Madagascar en 1947, 80 000 morts dans la répression d’une insurrection contre le colonialisme. Pour faire le sale boulot, l’armée française envoya des soldats d’autres pays africains. Dresser les peuples colonisés les uns contre les autres faisait partie de leurs méthodes.
Les bourgeoisies européennes et leurs contradictions internes
Dans un1° temps, les bourgeoisies européennes s’accrochèrent à leurs possessions. La France commença par repousser jusqu’à l’idée d’indépendance pour les colonies.
En 1946, l’Union Française, nouvelle appellation de l’empire colonial, vit le jour. Rien de changé. Les milieux coloniaux, arriérés et réactionnaires, étaient sur-représentés. Mais les partis politiques africains furent autorisés. Le travail forcé fut supprimé, non sans susciter des résistances qui voulaient imposer que « l’on considère le travail comme un devoir social » donc le maintien des journées de corvées. En 1947, les fonctionnaires continuaient à se déplacer dans des hamacs portés par des hommes!
Par ailleurs, à l’intérieur même des métropoles, des divergences existaient. Le maintien des empires coloniaux coûtait de plus en plus cher. Les investissements publics représentaient, après guerre, 8 fois + qu’avant. Ils servaient toujours les entreprises capitalistes. Mais les bourgeois dont l’industrie était moderne et qui ne dépendaient pas du marché colonial auraient préféré en profiter. Après guerre, les patrons de l’aéronautique, de l’automobile, étaient plus appâtés par le marché européen que par le colonialisme de « grand-papa ».
Enfin, à partir de 1945, les États-Unis exercèrent une pression politique « anticoloniale ». Pour cet impérialisme, devenu dominant, nul besoin du système colonial obsolète pour piller la planète et imposer ses intérêts. La puissance réelle de son économie suffisait. Il voulait mettre fin au système des chasses gardées et au protectionnisme qu’il impliquait. Tous ces facteurs se conjuguèrent pour contraindre l’ensemble des États européens à décoloniser (en Afrique noire entre 1957 et 1963).
Mais renoncer à la forme coloniale ne signifiait pas renoncer à leur domination ! Dès lors, toute leur politique visa à y conserver la mainmise.
La bourgeoisie française maintient une situation semi-coloniale.
Le retentissement international de la victoire des Vietnamiens à Dien Bien Phu en 1954 obligea les dirigeants de la bourgeoisie française à réaliser que l’heure des indépendances avait sonné. La guerre d’Algérie qui fut l’accoucheuse des indépendances en Afrique noire. La décolonisation n’a pas été le fait de la gauche, au pouvoir en 1956 avec le gouvernement de Guy Mollet. La crise de la IVe République fut dénouée par l’arrivée au pouvoir de De Gaulle en 1958 qui orchestra les indépendances indispensables, y compris au maintien des intérêts capitalistes français. Les indépendances ont fait que nombre d’Africains ont éprouvé la joie légitime de ne plus subir l’humiliation de l’administration coloniale, mais la France plaça à la tête de la plupart de ces États, des » hommes du sérail ».
La colonisation n’avait pas débarrassé les sociétés africaines de leurs aspects les plus archaïques. Au contraire, le pouvoir de certains chefs traditionnels était cautionné par l’administration coloniale. Quant aux différences ethniques, elles ont souvent été utilisées et transformées en oppositions, voire en haines. Les populations africaines en payent aujourd’hui le prix.
Houphouët-Boigny, ancien président du syndicat des planteurs ivoiriens, avait commencé par un nationalisme critique vis-à-vis de la France. Puis, patronné par Mitterrand, il devint député, puis ministre sous la IVe République, l’un des rédacteurs de la Constitution de la Ve République. En l’installant en 1960 en tant que président de la Côte-d’Ivoire indépendante, les dirigeants français savaient qu’il agirait en ami.
Léopold Sédar-Senghor a suivi un chemin parallèle. Ancien élève du lycée Louis-le-Grand, agrégé de grammaire, il était lié à Pompidou dont il avait été le condisciple. Il fut aussi ministre de la IVe République avant de prendre la tête du Sénégal.
Le député Léopold Sédar Senghor faisait remarquer à la tribune de l’Assemblée, en mars 1946, qu’en Afrique occidentale française
« 108 911 élèves seulement fréquentent les établissements du 1°et du 2°degré, enseignement privé compris, sur 2 700 000 garçons et filles d’âge scolaire ; c’est-à-dire qu’un seul enfant sur 24 peut trouver place à l’école. Dans les 3 lycées d’AOF, on ne compte que 172 Africains sur 723 élèves des classes secondaires. » Il ajoute:
« on fait de l’inégalité un principe de gouvernement en s’opposant par tous les moyens possibles à ce que les autochtones aient des diplômes d’État et puissent, en conséquence, occuper d’autres fonctions que subalternes »
Le travail forcé fut utilisé à grande échelle dans les colonies d’Afrique. L’un des chantiers les plus emblématiques, la construction du chemin de fer Congo-Océan (140 km), coûta la vie à 17 000 travailleurs indigènes en 1929. Au Cameroun, les 6 000 ouvriers de la ligne de chemin de fer Douala-Yaoundé connurent un taux de mortalité de 61,7 % selon un rapport des autorités.
Ces hommes formèrent une caste, liée moralement et socialement à la bourgeoisie française et décidée à en défendre les intérêts au-delà des indépendances. L’appartenance sociale lie les possédants entre eux, plus que la couleur de la peau.
Puis, faute de mieux, la France puisa parmi les mercenaires formés au sein de son armée. Bokassa, dictateur de Centrafrique à partir de 1969, ancien sous-officier dans la guerre d’Indochine, conquit le pouvoir et le conserva avec le soutien de l’armée française. Il s’est fait sacrer empereur en présence de Giscard d’Estain, cautionnant ainsi le dictateur. Et c’est avec sa bénédiction qu’il put piller les caisses du Centrafrique et financer son règne. Au Togo, Eyadéma, ancien sergent de l’armée française, imposa sa dictature jusqu’à sa mort en 2005.
Il y eut au moins un cas différent. En Guinée, en 1958, Ahmed Sékou Touré opta avant tout le monde pour l’indépendance, contre De Gaulle. Par mesure de rétorsion, la France retira ses fonctionnaires et coupa les crédits.
Le Congo belge : l’explosion
Dans les années 1950, une fraction de la petite bourgeoisie congolaise réclama l’égalité réelle. L’opposition systématique des colons belges à tout changement finit par radicaliser les 1° nationalistes. Patrice Lumumba, jeune postier, président de l’Association des évolués de Stanleyville, était devenu le porte-parole du nationalisme congolais. Il avait su cristalliser l’aspiration à l’indépendance, en faisant surgir un nationalisme à l’échelle de tout le Congo. Il ne cherchait pas à briser les liens avec la Belgique, mais sa façon de dénoncer le mépris colonial lui avait suffi pour encourir la haine, du roi et des colons belges. L’indépendance du Congo fut décrétée dans la précipitation le 30 juin 1960, donnant naissance à un État dont Lumumba fut le 1° ministre, du moins pendant 2 mois. Une révolte des soldats de l’armée congolaise contre les officiers, tous des Blancs, donna le signal d’une véritable explosion de colère. Les fonctionnaires et les colons belges prirent la fuite. L’État se retrouvait sans administration, sans prise sur les événements.
C’est pour cela que le trust belge l’Union Minière orchestra en sous-main la sécession du riche Katanga avec l’aide des gouvernements belge, anglais et français pour préserver leur pillage des ressources minières par le découpage du pays.
Mais l’impérialisme américain ne les laissa pas faire. Sous couvert de l’ONU, une force armée fut reconstruite autour de Mobutu. En 1961 Lumumba fut assassiné. En1965, sous protection américaine, Mobutu prend le pouvoir et une des pires dictatures vit le jour; elle trouva le soutien de la France. Par 2 fois, dans les années 1970, l’armée française intervint pour le sauver de rébellions et consacrer la décomposition de l’économie au profit de Mobutu et de l’impérialisme.
Le cas des colonies portugaises
Quant au Portugal, il s’accrocha à ses colonies, l’Angola, le Mozambique et la Guinée-Bissau, jusqu’en 1974, au prix de longues guerres jusqu’à la « Révolution des oeillets ». Mais en Angola la guerre d’indépendance commencée en 1961, 13 ans avant la fin de la domination coloniale, s’est prolongée bien au-delà. Les 3 armées de guérilla qui s’étaient constituées dans la lutte contre le Portugal continuèrent à se battre pour le pouvoir. Ce fut une guerre civile longue, avec à l’arrière-plan les manoeuvres des États-Unis attirés par le pétrole découvert depuis peu. Elle vit intervenir l’armée zaïroise, puis celle de l’Afrique du Sud en faveur de la plus proaméricaine des oppositions armées au régime en place qui était soutenu par l’URSS, qui demanda à Cuba d’y envoyer des troupes. La guerre fit la fortune des trafiquants d’armes et des hommes politiques qui les couvraient, de Pasqua à Jean-Christophe Mitterrand. Elle dura + de 20 ans, fit plus d’1 M de réfugiés, 300 000 morts et laissa une économie en ruine.
Carte d’Identité de l’Afrique
Il n’est guère possible de relater l’histoire individuelle des 40 d’États issus de la décolonisation. Certains sont petits, comme la Guinée, le Bénin, le Togo ou la Gambie (long doigt enfoncé dans le Sénégal, dont le territoire se limite à une 20 km de part et d’autre du fleuve Gambie). D’autres sont immenses, comme le Congo-Zaïre ou le Soudan, aussi étendus que la moitié occidentale de l’Europe, ou le Nigeria avec ses 125 M d’habitants. Certains ( le Burkina Faso) sont dépourvus de richesses naturelles; d’autres en regorgent, le Congo-Zaïre qui contient de richesses minières de toutes sortes, y compris les plus rares existant sur la planète. Ce sont des créations artificielles du temps des colonies, sauf l’Éthiopie qui a une tradition étatique ancestrale. Certains comptent 1 ou 2 ethnies, d’autres + de 10, voire pour le Cameroun + de 200, parlant des langues différentes. Leurs évolutions politiques respectives après les indépendances ont été fort diverses.
Quel bilan, 40 ans après les indépendances politiques ?
Pour les métropoles les plus faibles, la décolonisation a mis fin au monopole qu’elles exerçaient, le Portugal et la Belgique, qui n’était pas de taille à dominer les appareils d’État du Congo-Zaïre, du Rwanda et du Burundi.
Les méthodes de l’impérialisme français pour garder sa zone d’influence
La France, obligée de décoloniser, garde ses ex-colonies dans sa zone d’influence. Elles sont un champ d’investissement garantis, voire en partie financés par l’État pour les grands groupes capitalistes, via la prétendue « aide au développement ».
Elles constituaient une source privilégiée d’approvisionnement en matières 1° : le pétrole du Gabon pour Elf, l’arachide du Sénégal pour Lesieur, le fer de Mauritanie pour Usinor, la bauxite de Guinée pour Péchiney. Elles restaient aussi des débouchés pour les marchandises françaises, protégés des concurrents d’autres pays par les circuits, par les habitudes et les liens, sans parler de la langue.
Mais la France est une puissance impérialiste de 2° zone; elle n’a pu conserver sa mainmise sur cette économie qu’en s’accrochant à un système de domination semi-colonial qui repose, sur le plan politique, sur le contrôle étroit des appareils d’État autochtones, sous la protection des troupes françaises dans les endroits stratégiques. Ce protectorat politique implique le soutien garanti aux dirigeants de ces pays, fussent-ils d’infâmes dictateurs, en contrepartie de la protection des intérêts français face à la concurrence américaine, japonaise, allemande.
Sur le plan économique, le maintien d’une zone CFA, dont les billets sont émis sous le contrôle de la Banque de France, monnaie unique dans les ex-colonies, convertible à taux fixe en euros, assure aux capitalistes français la libre circulation de leurs capitaux et de leurs profits entre la France et ses ex-colonies. Elle constitue un obstacle pour les capitaux venus du Japon ou des États-Unis. Financière Africaine ».
La « politique africaine » de la France, poursuivie dans les années 60, 70, 80 et, souvent encore aujourd’hui, a servi à arroser la caste politique française et à créer des liens d’interdépendance entre les dirigeants des grands trusts et les dictateurs. Des hommes de main, des agents secrets, des mercenaires côtoient des hommes politiques, des PDG, des financiers, dans un milieu crapuleux, la « Françafrique ».
Les entreprises comme Elf, intégrée à Total, possèdent des pans entiers de l’économie du Gabon ou du Congo-Brazzaville dont on ignore les quantités exactes de pétrole extraites par la compagnie. Et si le pouvoir gaulliste a initié le phénomène, la « gauche » l’a pérennisé. Après Foccart, l’éminence grise gaulliste, un des fils de Mitterrand, Jean-Christophe, a été l’homme de l’ombre de la gauche chargé des sales besognes.
La voie nationaliste a abouti à une impasse pour les peuples
Dans les années 1960, la Chine de Mao Tsé Toung fournissait aux dirigeants nationalistes d’Afrique et d’ailleurs, l’exemple d’un régime qui justifiait une certaine dictature et menait une politique nationaliste en rupture avec l’impérialisme. Et surtout, l’existence du bloc soviétique, l’aide diplomatique, voire militaire de Moscou, permettait de se donner les moyens d’une certaine indépendance politique. Elles sont marquées par le « tiers-mondisme », expression signifiant la recherche d’une 3° voie pour les pays pauvres, et les pays non-alignés.
Mais l’impérialisme n’avait pas besoin de contrôler directement l’appareil d’État d’un pays pour avoir les moyens de l’étrangler. Par exemple la Guinée indépendante avec Sékou Touré comptait asseoir son ambition sur la bauxite mais, n’ayant pas l’industrie pour la transformer en aluminium, elle fut obligée d’en passer par les trusts internationaux et, donc, de se soumettre à leurs lois. Pareil pour les pays d’Afrique les plus riches en minerais ou autres richesses naturelles. La nationalisation des mines donnait aux États des marges de négociation plus grandes avec les trusts internationaux mais cela ne les libérait pas de leur emprise. Et pour négocier les matières 1° au meilleur prix, il fallait une volonté politique qui avait un prix : celui de l’ achat de dirigeants de l’État.
Les nationalisations elles-mêmes, au lieu de servir de protection contre le pillage impérialiste, se sont transformées, en règle générale, en moyens d’enrichir une mince couche privilégiée locale et en facteur de corruption.
Dans le cas de l’Afrique, le tiers-mondisme a pris la forme, au moment des indépendances, de la proclamation d’un « socialisme africain », incarné en particulier au Ghana par N’Krumah, et en Tanzanie par Nyerere.
Plusieurs pays d’Afrique ont cherché le soutien de l’Union soviétique, en armes et en aides financières. L’Éthiopie sous Mengistu ou la Somalie sous Siyad Barré, et jusqu’au Congo-Brazzaville, ex-colonie française, se sont revendiqués un temps du marxisme-léninisme. Ce choix politique de trouver en Union soviétique et/ou en Chine une contrepartie à l’influence de l’impérialisme allait de pair avec une politique économique marquée par l’étatisme, par la protection de l’économie nationale, par l’existence de monnaies nationales non liées aux monnaies occidentales.
Les pays africains ont à peu près tout tenté sur le plan politique et économique, entre les régimes ouvertement dévoués à l’ancienne métropole coloniale, à l’autre extrémité, le nationalisme. Aucun des pays d’Afrique ne s’est développé. Nulle part, les classes populaires ne sont sorties de la misère. Pourquoi?
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